Archive for the ‘Actualité’ Category

Les raisons qui ont joué en faveur des lauréats

Mai 29, 2007

Le 60ème Festival de Cannes fera date. Dimanche, un jury inspiré a récompensé des films qui ont transcendé la noirceur de leurs thèmes. Revue des éléments qui ont joué en faveur des lauréats.

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Il a gagné comme un coureur de 10.000 mètres parti en tête dès le coup de pistolet : Palme d’or 2007, le Roumain Cristian Mungiu a en effet présenté son film dès le deuxième jour. Pourquoi « 4 mois, 3 semaines et deux jours » a marqué durablement les esprits ? Parce qu’il ne triche pas avec la réalité. Mungiu se souvient de la Roumanie de 1987. L’avortement y était devenu un moyen de résister au régime. A travers une histoire isolée, celle de deux étudiantes fauchées, le film témoigne pour les 500.000 Roumaines mortes en avortant clandestinement. Le réalisateur a une écriture aussi sèche que les frères Dardenne (« Rosetta », « L’Enfant »). Comme eux, il recourt aux plans-séquences, ces plans longs et fluides qui suivent les personnages, à l’affût de leurs comportements. Peu d’états d’âme, un réalisme social à faire frémir, des acteurs époustouflants : le mélange est détonant.

Bien que marqué par le sentiment du deuil, « La Forêt de Mogari » est moins sombre. On y suit un vieillard égaré avec son aide-soignante. Ce qui distingue la Japonaise Naomi Kawase est sa sincérité et son attention contemplative au moindre frémissement du monde. « Quand on affronte les difficultés de la vie, on cherche ce qui peut redonner de la force. On le trouvera dans ce qui n’est ni matériel, ni visible. Dans le vent, la lumière, le souvenir de ceux qui nous ont précédé », lança-t-elle en recevant son prix dimanche.

En créant le Prix du 60ème anniversaire, le jury se donnait la liberté de saluer une carrière en même temps qu’un beau film. Il a distingué Gus Van Sant plutôt que les frères Coen. Ce choix se respecte : Van Sant a une trajectoire moins rectiligne, il a souvent remis en question sa manière de faire du cinéma. Il reste à l’avant-garde de l’expérimentation formelle parmi les indépendants américains.

Fatih Akin doit son prix du scénario et son prix œcuménique à une vertu simple : il sait jeter des ponts, entre la culture allemande et la culture turque, entre les générations, entre le cinéma d’auteur et le cinéma populaire. Et Dieu sait si ce genre de passeur est précieux au milieu des crispations actuelles! L’Américain Julian Schnabel reçoit le prix de la mise en scène pour son audace aventureuse : il a osé diriger un film en français sans parler cette langue ! Peintre amateur de collages, il a surtout réuni les éclats d’une existence en morceaux en une mosaïque pleine de vie.Marjane Satrapi ne s’est pas contentée de moquer les ayatollahs à la manière de Charlie Hebdo. Elle a sur trouver la distance suffisante pour transformer sa vie en œuvre d’art. « Persépolis » fait entrer le cinéma d’animation dans une nouvelle dimension, celle de la confession adulte et décomplexée. Enfin, Carlos Reygadas s’est affirmé en esthète visionnaire. Ses images envoûtantes ne se laisseraient jamais regarder ailleurs que sur grand écran.  /CHG

Un palmarès idéal

Mai 28, 2007

Stephen Frears ne portait pas les stigmates d’une session de jury à couteaux tirés, dimanche. A l’heure du palmarès, il a énoncé les récompenses comme si chacune relevait d’une tranquille évidence. Choix que nous ratifions avec enthousiasme et que nous commenterons dans les colonnes de votre quotidien demain.

Palme d’or et Prix Fipresci (presse internationale) : « 4 mois, trois semaines, deux jours », de Cristian Mungiu (Roumanie).
Grand Prix : « La Forêt de Mogari », de Naomi Kawase (Japon)
Prix du 60ème anniversaire : « Paranoid Park » de Gus Van Sant (France/USA)
Prix du scénario et Prix du jury œcuménique : « De l’Autre côté », de Fatih Akin (Turquie)
Prix de la mise en scène : « Le Scaphandre et le papillon », de Julian Schnabel (USA/France)
Prix du jury (ex-aequo) : « Persépolis », de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud (France) et « Stellet Licht » (« Lumière silencieuse ») de Carlos Reygadas (Mexique)
Prix d’interprétation féminine : Jeon Do-yeon, pour « Secret Sunshine » de Lee Chang-dong (Corée du Sud)
Prix d’interprétation masculine : Konstantin Lavronenko, pour « Le Bannissement » d’Andreï Zviaguintsev (Russie)
Caméra d’or (meilleur premier film) : « Les Méduses » d’Etgar Keret et Shira Geffen (Israël)
Prix « Un certain regard » : « California Dreamin' » de Cristian Nemescu (Roumanie).

Qui aura la Palme d’or ?

Mai 26, 2007

A la veille du palmarès du Festival de Cannes, les pronostics n’ont jamais été aussi aléatoires. Plus de la moitié des 22 films en concours peuvent prétendre à un prix. Deux films restent à voir (« Promets-moi », d’Emir Kusturica, et « La Forêt de Mogari », de Naomi Kawase). S’ils sont convaincants, cela va compliquer encore la tâche du jury. Les choix possibles vont dans plusieurs directions.

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Option « révélation » : le Roumain Cristian Mungiu paraît le mieux placé pour la Palme d’or avec « 4 mois, trois semaines et deux jours » (photo). En suivant une fille qui aide sa copine à avorter dans une chambre d’hôtel, ce jeune réalisateur a estomaqué. Direction d’acteurs et sécheresse de ton donnent une vision implacable de la Roumanie d’avant la fin de la dictature. Joker : le coréen « Secret Sunshine ».

Option « grands auteurs au sommet de leur art » : les frères Coen ont mené de main de maître le thriller sanglant « No Country for Old Men » ; Gus van Sant a dessiné en finesse ses portraits d’adolescents de « Paranoïd Park ». Mais ces auteurs polissent à l’infini la forme de beaux objets dont on connaît les contours. Et ils ont déjà eu la Palme… L’Américain surprise pourrait être David Fincher et son inquiétant « Zodiac ».

Option « politique » :  « Alexandra », du Russe Sokourov, combine intelligence artistique et sous-texte pacifiste. « Persépolis » revendique la liberté d’expression face  à l’obscurantisme. Comme le jury se sent souvent un devoir de saluer la France, le second possède un atout de plus…

Option « passerelle » : « De l’Autre côté », de Fatih Akin, se pose en candidat no 1 dans la catégorie. Naviguant avec adresse entre Asie mineure et vieille Europe, le Kurde d’Allemagne propose une représentation de la réalité complexe mais digeste pour le grand public. Des qualités dont témoigne aussi Julian Schnabel dans « Le Scaphandre et le papillon ».

Option « lubie hypnotique » : « Lumière silencieuse », de Carlos Reygadas,  a offert les images les plus impressionnantes de tout le festival, mais il a de hargneux détracteurs. Verdict demain dès 19h30 sur Canal+ (en clair).

Christian Georges

Julian Schnabel : « Je ne voulais pas être étiqueté comme un gros lourd »

Mai 25, 2007

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Julian Schnabel, entre Mathieu Amalric et Emmanuelle Seigner sur le tournage.

Julian Schnabel réussit un tour de force dans « Le Scaphandre et le papillon » : évoquer le quotidien d’un paralysé, sans verser dans la déprime. En pantalon de pyjama et vodka en main, le réalisateur américain nous a décrit son travail d’adaptation.

Vous dites avoir pris quelques libertés avec les personnages mentionnés dans le livre de Jean-Dominique Bauby. Lesquelles ?

Julian Schnabel : – Le livre ne dit pas un mot de certaines choses que j’ai appris de son entourage. Par exemple, Jean-Do ne voulait pas voir ses enfants quand il s’est retrouvé paralysé. Pour qu’il change d’avis, il a fallu qu’un ami l’emmène de force chez la victime du même syndrome, qui vivait à la maison avec sa famille. J’ai pris la liberté d’inventer un autre motif déclencheur. L’amie de Jean-Do n’apparaît presque pas dans le livre. Pourtant, elle s’est beaucoup plus occupée de lui que la mère de ses enfants. J’ai voulu rendre clair ce qui appartenait au passé et ce qui faisait partie de son présent. La réalité veut que la femme de Bauby n’était pas à son chevet lors de sa mort, alors que l’autre se trouvait près de lui.

Comment avez-vous travaillé l’univers mental du personnage ? 

Je me suis souvenu du roman « Le Parfum » : depuis une montagne, Grenouille peut capter des odeurs jusqu’en Egypte. S’il y parvient avec son nez, Jean-Do pouvait le faire en imagination. En dénichant ces glaciers en Alaska, j’avais la clé du film : le monde s’effondre, nos corps se délitent, mais même un sourd ou un aveugle peut aller la rencontre de sa vraie nature. J’ai complètement remodelé la chambre d’hôpital, choisi le sol, la couleur des murs et des vêtements. Pour un ami hospitalisé, j’avais fleuri la chambre, décoré les murs, apporté des habits élégants. J’ai traité Jean-Do comme cet ami, en lui offrant des draps et des pyjamas de soie, des images au mur. Si vous voyez le documentaire de Beineix sur Bauby, c’est sinistre. Je ne voulais pas qu’on retienne une telle ambiance d’hôpital. Je ne tenais pas à être étiqueté à jamais comme un gros lourd qui fait des films déprimants sur des mourants. Je voulais un film plein d’humour.

Que fallait-il selon vous absolument montrer ou, au contraire, laisser de côté ? 

Bauby mentionne une chanson des Beatles qui aurait été trop frontale, trop sirupeuse. Je me suis rendu à l’hôpital, à Berck dans le Pas-de-Calais. J’ai vu la marée. J’ai eu l’idée d’installer la chaise roulante sur ce ponton, pour accentuer le côté « épave sur les rivages de la solitude ». Il a fallu ruser. Jean-Do se croyait beau, mais ne l’a jamais été de mon point de vue. Lorsqu’il se souvient de sa jeunesse et qu’on voit les photos de Marlon Brando, c’est un gag. J’ai finalement réussi à avoir Brando dans l’un de mes films !

En branchant le spectateur sur la conscience d’un personnage, votre film rappelle « Johnny s’en va-t-en guerre ». Vous aviez aimé le film de Dalton Trumbo ?

Non. Il repose sur une idée géniale, mais qui ne fonctionne pas en tant que film. Si je pense avoir réussi quelque chose, c’est que mon personnage à moi ne pleurniche pas sans fin sur son sort. Voir le monde depuis l’intérieur d’un personnage a été fait souvent au cinéma. Les spectateurs n’y prennent pas garde, mais je me suis attaché à rendre attentif à ces zones du paysage que l’on ne remarque en général pas. Comme lorsque vous laissez vos yeux vagabonder.

Vous reconnaissez-vous dans l’esprit et dans l’humour de Jean-Dominique ?

Oui, pas vous ? J’adore quand il dit : « Cinq heures de travail. Pfouhh, ce n’est pas du Balzac ! » J’ai beaucoup travaillé avec Mathieu Amalric sur ce côté-là. L’histoire du chapeau n’existait pas : c’est un chapeau que j’ai depuis des années. On l’a posé sur la caméra pour avoir ce bord de cadre trouble. Et vous avez en face quelqu’un qui dit : « C’est un homme ou une femme ? » Il fallait des trouvailles pareilles pour rendre le film poilant.

La séquence tournée à Lourdes peut être lue de plusieurs manières différentes…

Je suis venu une fois à Cannes avec Harvey Keitel. Il était super déprimé par son divorce. Nous avons roulé plus de 120 kilomètres ensemble dans une décapotable. On écoutait très fort cette chanson de U2 que j’ai choisi pour ouvrir la séquence à Lourdes. Le plan des cheveux de Marina Hands dans le vent est le premier qu’on ait tourné. Il a fallu installer des ventilateurs sur le pont d’un camion. L’équipe pensait que j’étais dingue. On avait trois jours à peine à Lourdes et je m’escrimais à obtenir cette image que j’avais en tête depuis longtemps ! La visite à Lourdes était plus longue dans le script. Bauby veut passer un « week-end cochon », mais comment est-ce possible dans un tel lieu ? Le fait d’avoir Jean-Pierre Cassel jouant à la fois le prêtre et le vendeur de souvenirs m’a paru très amusant.

Comment avez-vous travaillé la musique ?

Cet air de Bach qu’on entend dans le film, je l’ai enregistré sur cassette en 1987 avec un appareil merdique. Mais quand je l’ai plaqué sur les images du glacier, je savais que je tenais mon film, même sans en connaître la fin ! Certaines chansons paraissaient évidentes au départ (Bob Dylan, les Stones), mais je ne les ai pas conservées : il faut se laisser une marge d’expérimentation. Certaines chansons ne fonctionnent pas car elles sont trop célèbres, ou trop rentre-dedans. Le compositeur qui a écrit la musique du film, Paul Cantalon, était un enfant prodige. Il s’est fait renverser par une voiture et a perdu toutes ses facultés de musicien. Amnésie totale ! Il ne pouvait plus jouer du piano. Puis c’est revenu par bribes. Alors qu’il n’avait jamais rien fait d’important avant, c’est lui qui est venu vers moi en disant : « Je veux absolument écrire la musique du film. Je suis aussi sorti du coma. Je m’identifie à cette histoire ! »

Propos recueillis à Cannes par Christian Georges

U2 3D : du beau, du bon, du Bono

Mai 20, 2007

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U2 en haut des marches pour un concert surprise ! Le Festival de Cannes s’est payé un cadeau d’anniversaire de choix samedi. Une batterie planquée sous les escaliers du Grand auditorium Lumière nous avait mis la puce à l’oreille. Mais on était loin d’imaginer l’explosion de joie sur les abords du tapis rouge peu une heure du matin. Au bas de l’escalier, l’acteur Javier Bardem en lunettes noires avait fait monter l’ambiance comme un ado à son premier concert. Dans les files d’attentes, ultra filtrées, des élégantes tentaient crânement de dissimuler la torture des talons-aiguilles.

Les musiciens sont arrivés en même temps que le Prince Albert, mais personne à part les paparazzi n’a remarqué le souverain monégasque. Bono est allé saluer la foule, en lunettes roses et casquette à la Fidel Castro. Avec The Edge à la guitare, Adam Clayton à la basse et Larry Mullen à la batterie, U2 a régalé le parvis de deux morceaux électriques et euphorisants. Un moment magique pour le festival, mais seulement une entrée en matière : à l’intérieur de la salle, on était 100.000 : 2400 chaussés de lunettes spéciales, les autres dans un stade à Buenos Aires. Fusionnés par la magie d’un film-concert en trois dimensions de 55 minutes. « U2 3D ». Dès les premiers effets en relief, prodigieux, les hurlements fusaient de chaque siège. Cette technique de projection – sans pellicule, en numérique – existe déjà aux Etats-Unis depuis deux ans au moins. Mais elle marque un tournant dans notre découverte des images sur grand écran. La nouveauté réside surtout dans le fait de pouvoir superposer plusieurs niveaux successifs dans la profondeur de champ. Dans « U2 3D », la qualité des images saisies de nuit impressionne : en plongée, chaque élément de la batterie apparaît pour lui-même, avec ses mille reflets, Bono paraît caresser chaque spectateur sur la joue… Reste à trouver les cinéastes pour mettre à profit les avantages et les contraintes d’une telle technique. Et surtout les exploitants prêts à investir plusieurs centaines de milliers de francs dans chaque appareil de projection. C’est l’obstacle majeur à la diffusion de cette nouvelle invention. /CHG

Michael Moore : « Dans cette lutte, c’est le « nous » qui l’emporte sur le « moi »… »

Mai 20, 2007

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A quel régime se met Michael Moore depuis qu’il est sous enquête pour voyage suspect à Cuba ? Le réalisateur de « Bowling for Columbine » et de « Fahrenheit 9/11 » l’a dit samedi à Cannes, en conférence de presse. L’occasion de présenter les intentions de « Sicko », son nouveau documentaire consacré au système de santé américain.

Est-il vrai que vous avez dû sortir la copie du film en cachette ? Faites-vous l’objet d’une enquête fédérale, comme la presse l’a révélé récemment ?

– Non, la copie n’est pas sortie en cachette. J’ai reçu une lettre dix jours avant le festival m’informant que je faisais l’objet d’une enquête pour violation de la loi à propos du commerce et des voyages vers Cuba. Nous avons pensé qu’ils seraient en mesure de confisquer le matériau tourné là-bas. Nous avons donc fait une copie de celui-ci qui a été aussitôt mise à l’abri hors des Etats-Unis dans les 24 heures. Bon, je suis un citoyen Américain, attaché aux libertés. Je sais aussi que ce gouvernement applique les lois. Je ne veux prendre aucun risque. L’administration me donne jusqu’à mardi (réd : demain) pour répondre.

Est-ce que votre réponse pourrait compromettre la sortie du film aux Etats-Unis le juin ?

– Je ne prends pas cela à la légère, puisque je suis directement menacé par la perspective de faire de la prison. Mais si les autorités connaissaient l’existence de ce voyage depuis le mois d’octobre, pourquoi ont-elles attendu dix jours avant le festival, quitte à me faire de la publicité ? Le fait est que je ne voulais pas me rendre à Cuba, mais sur territoire américain, à Guantanamo. J’emmenais avec moi des sauveteurs du 11 septembre, pour qu’ils puissent bénéficier là-bas de la même couverture de santé que les prisonniers d’Al-Qaïda. Etre à Cuba était une sortie d’accident, puisque Guantanamo est situé là-bas. Si la base abritant les prisonniers avait étéen Australie, aux Philippines, en Italie ou en Espagne, on n’aurait eu aucun problème. Mais c’est le gouvernement Bush qui a tenu à les mettre à Cuba…

Dans une année électorale, imaginez-vous un candidat vous approcher et vous féliciter pour avoir dénoncé un système de santé corrompu ? Un candidat prêt à faire campagne pour une couverture de santé universelle ?

– A ce stade, je n’ai repéré aucun candidat qui a un plan pour la santé, mais j’espère qu’il va se passer quelque chose. Pour moi, cela ne suffit pas que des politiciens disent qu’ils soutiennent un système de couverture universelle. J’attends que les caisses-maladie et les géants de l’industrie pharmaceutique le disent. Il faut aussi que les candidats aient le courage de dire publiquement qu’on doit écarter toute notion de profit, quand il s’agit de la santé. La loi actuelle contraint les caisses privées à maximiser le profit des actionnaires. Comment elles y parviennent ? En refusant des soins au plus grand nombre de gens possible. Je trouve ça immoral, indigne d’un pays civilisé. Les politiques doivent avoir le courage de dire que ces caisses doivent disparaître. Le système doit être géré par le gouvernement, au service de la population.

Vous avez peint la situation en rose en comparant avec le Canada : le temps d’attente moyen aux urgences, ce n’est pas 20 ou 40 minutes, mais quatre ou cinq heures !… (Réd. Réflexion d’un journaliste canadien) 

– Toutes les études montrent que si vous avez besoin de soins urgents, vous les obtenez au Canada ! Je reconnais que le système est en crise, parce qu’il manque de moyens. C’est à vous d’en corriger les défauts, pas à moi. Je vous pose aussi la question : seriez-vous prêts à troquer votre système contre le nôtre ? Et s’il y a des files d’attente dans les hôpitaux, c’est parce que les Canadiens vivent en moyenne trois ans de plus que les gens des Etats-Unis. Pourquoi faut-il qu’un bébé né à Toronto ait plus de chances de vivre qu’un enfant né à Detroit ? Il nous faut copier ce que vous faites bien et laisser de côté le reste. C’est ce que les Etats-Unis font en général : voler ce qui se fait de bien ailleurs. A nous de nous inspirer de ce qui se passe en France, en Grande-Bretagne et au Canada.

Vous n’avez pas inclus dans le film de confrontations avec les décideurs, ceux qui ont le pouvoir. Pourquoi ?

– J’ai décidé de faire un film différent, cette fois. Je voulais un ton différent. Je ne voulais pas que le public soit amené à applaudir le fait que je mette certaines personnes en difficulté. Je voulais rendre clair que les choses ne changeront que si les gens se bougent. Mon film est un appel à l’action. J’ai aussi voulu toucher les gens qui ne sont pas du même bord que nous. Je suis prêt à m’investir avec tous ceux qui se rendent compte qu’on a un problème et qui veulent corriger ça.

La confrontation, vous n’y couperez pas : elle commence maintenant, avec tous ceux qui contesteront des détails du film ou qui vous accuseront de propagande pro-cubaine !

– J’ai confiance dans le public américain. Il se rendra compte que je cherche à lui montrer que ceux qui ont préparé les attentats du 11 septembre reçoivent un meilleur traitement médical, de notre propre gouvernement, que les sauveteurs de tours détruites. Seuls 28% des gens ont encore confiance en Bush. Il ne peut plus dire ce qu’il disait au début de son mandat et lancer des anathèmes contre Cuba de la même manière qu’il l’a fait contre l’Irak. Je crains davantage les réactions des assurances maladie, qui ne vont pas aimer ce film et qui représentent une puissance assez effrayante.

Vous renvoyez Démocrates et Républicains dos à dos, en montrant que chaque membre du congrès a son prix : les contributions reçues des assurances maladie privées !

– En effet, j’ai mis en relief le fait que les Démocrates ne sont pas très brillants de ce point de vue. Il va falloir que les citoyens réclament une réforme de la loi électorale, pour éviter que les candidats reçoivent de telles faveurs.

Qu’est-ce qui a déclencher votre envie d’enquêter sur ce sujet en particulier ? Une expérience personnelle ?

– Pour mon émission télé « The Awful Truth », on s’était intéressés en 1999 au cas d’un type qui avait une assurance, mais celle-ci refusait de lui payer une transplantation d’organe. On avait organisé ses funérailles bidon devant le siège de l’assurance. Trois jours plus tard, ils lui accordaient la transplantation. Ca m’avait fait réfléchir…

Seriez-vous prêts à vous établir en France ? Les portes vous sont aussi ouvertes que le sont les portes au Canada (rires)…

– Les Canadiens m’en veulent beaucoup d’avoir révélé aux Américains qu’ils ne les fermaient pas. Je m’excuse publiquement auprès d’eux d’avoir déclenché une épouvantable vague de délits…

 Pourquoi avoir choisi d’être hors compétition ? 

– Il était clair pour moi que le film devait être hors compétition pour rester dans l’esprit de ce que je défends : dans cette lutte, c’est le « nous » qui l’emporte sur le « moi ». La dernière fois que je suis venu, j’ai remporté la Palme d’or. Je n’allais quand même pas tomber dans le travers typique américain (réd : il prend une voix d’ogre) : « Je veux deux ou trois Palmes d’or ! Encore, encore ! » (rires) C’est beaucoup plus détendu pour moi de cette manière, même si je sais que la tempête m’attend à mon retour aux Etats-Unis.

 Avez-vous une couverture maladie privée ou une couverture HMO ? 

– Je suis couvert par la caisse du syndicat des réalisateurs, par celle du syndicat des scénaristes et par celle des acteurs. J’ai trois options au lieu d’une. J’ai la chance d’être bien couvert, car je fais partie des 9% d’Américains syndiqués. Et je me considère chanceux, car je fais aussi partie des deux tiers de la population qui auraient intérêt à marcher un peu. Pendant le tournage, je me suis aussi dit qu’il était hypocrite de traiter d’un tel sujet en prêtant aussi peu attention à ma santé. En fait, je suis plutôt gringalet, par rapport aux standards du Midwest. (rires) Mais je me suis mis à marcher une demi-heure par jour. J’ai aussi commencé de manger ces choses, que vous appelez « fruits » et « légumes ». J’ai perdu 12 kilos ces derniers mois. Le film m’a rappelé qu’une des manières de lutter contre le système, c’est aussi la prévention, pour s’éviter des consultations médicales.

 

Vous évoquez dans le film votre pire ennemi, qui animait un site sur internet et qui a dû le fermer pour payer les dépenses de santé de sa femme. Vous dites lui avoir versé anonymement un chèque de 12’000 dollars. Mais comment va-t-il réagir ? Et auriez-vous fait un tel geste si ça ne devait pas figurer dans le film ?

– Je vais téléphoner à ce gars aujourd’hui, avant la projection officielle. De grâce, ne l’appelez pas avant moi ! Franchement, je ne sais pas comment il va réagir. Bien, j’espère. Par rapport à l’autre question, la réponse est oui. Si on plaide pour une couverture de santé universelle, on ne peut pas demander que seuls ceux qui ont les mêmes idées soient couverts. Je pense aussi qu’on peut avoir des avis divergents et un débat civilisé. Mais regardez la haine qui se déverse sur moi depuis quelque temps..

Justement. Que pensez-vous de ce documentaire (« Manufacturing Dissent ») qui met en cause vos méthodes d’investigation et qui vous accuse de falsifications ?

Il doit y avoir 11 ou 12 documentaires qui s’en prennent à moi. Cela devient un nouveau genre. Je pourrais presque ouvrir un festival consacré à cela (rires). Sérieusement, je pense que mon travail parle pour lui-même. J’ai fait un film (« Roger et moi ») dans lequel j’annonçais le déclin de General Motors. On m’a accusé de défaitisme. Mais on a vu ce qui s’est passé ensuite avec l’industrie automobile américaine. J’ai sonné l’alarme avec « Bowling For Columbine » : regardez ce qui s’est passé au massacre du collège de Virginia Tech. On m’a hué pour que je quitte la scène quand j’ai fait « Fahrenheit 9/11 ». Voyez la confiance qui subsiste pour George W. Bush. Les gens vont commencer à se dire : « Il nous a avertis, on ne l’a pas écouté ». Peut-être que les gens n’aiment pas la couleur du ciel, mais cette fois, je pense qu’ils vont écouter. On ne va pas attendre 10 ou 20 ans pour réformer notre système de santé ».

Propos recueillis à Cannes par Christian Georges

Norah Jones ouvre un festival prometteur

Mai 16, 2007

009694431.jpgPour sa 60e édition, du 16 au 27 mai, le Festival du film de Cannes joue la carte du renouvellement. Vingt-et-un films partent à la conquête de la Palme d’or, sous l’œil du jury présidé par le réalisateur britannique Stephen Frears.

Paru le 16 mai 2007

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Alain Delon honore Cannes de sa présence

Mai 15, 2007

alain-delon-copie.jpgSelon le site officiel du Festival de Cannes, Alain Delon, acteur français de renom, assistera, le 20 mai, aux cérémonies d’anniversaire de cette 60ème édition. Il est à noter que sa dernière montée des marches remonte à 1992 où il était venu défendre le film d’ Edouard Niermans, « Le retour de Casanova ».

Stephen Frears emmènera le jury 2007

Mai 15, 2007

stephen_1.jpgRéalisateur, entre autres, du film « The Queen » (2006), Stephen Frears prend demain ses fonctions de président du jury au Festival de Cannes cuvée 2007 (16-27 mai). Pour en savoir plus sur ce réalisateur engagé, cliquer sur son nom.