Les raisons qui ont joué en faveur des lauréats

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Le 60ème Festival de Cannes fera date. Dimanche, un jury inspiré a récompensé des films qui ont transcendé la noirceur de leurs thèmes. Revue des éléments qui ont joué en faveur des lauréats.

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Il a gagné comme un coureur de 10.000 mètres parti en tête dès le coup de pistolet : Palme d’or 2007, le Roumain Cristian Mungiu a en effet présenté son film dès le deuxième jour. Pourquoi « 4 mois, 3 semaines et deux jours » a marqué durablement les esprits ? Parce qu’il ne triche pas avec la réalité. Mungiu se souvient de la Roumanie de 1987. L’avortement y était devenu un moyen de résister au régime. A travers une histoire isolée, celle de deux étudiantes fauchées, le film témoigne pour les 500.000 Roumaines mortes en avortant clandestinement. Le réalisateur a une écriture aussi sèche que les frères Dardenne (« Rosetta », « L’Enfant »). Comme eux, il recourt aux plans-séquences, ces plans longs et fluides qui suivent les personnages, à l’affût de leurs comportements. Peu d’états d’âme, un réalisme social à faire frémir, des acteurs époustouflants : le mélange est détonant.

Bien que marqué par le sentiment du deuil, « La Forêt de Mogari » est moins sombre. On y suit un vieillard égaré avec son aide-soignante. Ce qui distingue la Japonaise Naomi Kawase est sa sincérité et son attention contemplative au moindre frémissement du monde. « Quand on affronte les difficultés de la vie, on cherche ce qui peut redonner de la force. On le trouvera dans ce qui n’est ni matériel, ni visible. Dans le vent, la lumière, le souvenir de ceux qui nous ont précédé », lança-t-elle en recevant son prix dimanche.

En créant le Prix du 60ème anniversaire, le jury se donnait la liberté de saluer une carrière en même temps qu’un beau film. Il a distingué Gus Van Sant plutôt que les frères Coen. Ce choix se respecte : Van Sant a une trajectoire moins rectiligne, il a souvent remis en question sa manière de faire du cinéma. Il reste à l’avant-garde de l’expérimentation formelle parmi les indépendants américains.

Fatih Akin doit son prix du scénario et son prix œcuménique à une vertu simple : il sait jeter des ponts, entre la culture allemande et la culture turque, entre les générations, entre le cinéma d’auteur et le cinéma populaire. Et Dieu sait si ce genre de passeur est précieux au milieu des crispations actuelles! L’Américain Julian Schnabel reçoit le prix de la mise en scène pour son audace aventureuse : il a osé diriger un film en français sans parler cette langue ! Peintre amateur de collages, il a surtout réuni les éclats d’une existence en morceaux en une mosaïque pleine de vie.Marjane Satrapi ne s’est pas contentée de moquer les ayatollahs à la manière de Charlie Hebdo. Elle a sur trouver la distance suffisante pour transformer sa vie en œuvre d’art. « Persépolis » fait entrer le cinéma d’animation dans une nouvelle dimension, celle de la confession adulte et décomplexée. Enfin, Carlos Reygadas s’est affirmé en esthète visionnaire. Ses images envoûtantes ne se laisseraient jamais regarder ailleurs que sur grand écran.  /CHG

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